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LE MARTYRE de Blandine. (Lettre des Églises de Lyon)

 «Le Fils donne la vie à qui il veut. »

En Blandine, le Christ donna cet enseignement: ce qui aux yeux des hommes est méprisable, vil et laid, Dieu peut le juger digne d'une grande gloire, à cause de l'amour qu'on lui porte, l'amour qui s'exprime dans les actes et ne se satisfait pas de vaines apparences.

Nous avions tous peur pour Blandine. Sa maîtresse selon la chair, qui faisait partie du groupe des martyrs, une athlète de la foi, redoutait que la jeune fille ne pût même pas affirmer franchement sa profession de chrétienne, tellement elle était chétive. Mais Blandine se trouva rempli d'une telle force qu'elle finit par épuiser et lasser les bourreaux. Ceux-ci se relayaient du matin jusqu'au soir pour la torturer par tous les moyens: ils durent s'avouer vaincus et à bout de ressources. Ils s'étonnaient qu'elle respirât encore, avec le corps déchiré et meurtri.

Maturus, Sanctus, Blandine et Attale furent donc conduits aux fauves dans l'amphithéâtre pour offrir au peuple et à la confédération de cités un spectacle d'inhumanité. Ce jour-là, on donna exprès, à cause des nôtres, des combats entre fauves.

Blandine était suspendue à un poteau, pour être la proie des bêtes lancées contre elle. La vue de la vierge ainsi crucifiée, qui ne cessait de prier d'une voix forte, affermissait les frères qui menaient la bataille. Au fort du combat, les frères croyaient apercevoir des yeux du corps, en leur victime le Christ crucifié pour eux, crucifié afinque les croyants, quiconque souffrirait pour la gloire du Christ, vivrait éternellement dans communion du Dieu vivant.

Aucune des bêtes, ce jour-là, ne toucha Blandine. On la détacha donc du poteau, et on la mena en prison. On la réservait pour un nouveau combat. Malmenue, faible, méprisée, elle était revetue de la force du Christ, le grand et invincible athlète; elle avait à de nombreuses reprises poussé l'Adversaire, et remporté dans un combat définitif la couronne d'immortalité.

Le dernier jour des combats singuliers, Blandine fut conduite de nouveau dans l'arène avec une garçon de quinze ans, appelé Ponticus. Après qu' il eut subi vaillamment toutes les tortures, il rendit l'âme. On enferma Blandine dans l'arène pour la livrer à un taureau. A plusieurs reprises, elle fut lancée en l'air par l'animal. Mais elle ne sentait plus rien de ce qui lui arrivait ; elle pensait à son espérance, aux biens promis à sa foi,elle continuait le dialogue avec le Christ. On finit par l'égorger, elle aussi. 

PRIERE

Ce qui me pousse à t'aimer, ô Dieu, ce n'est pas le ciel que tu m'as promis; et ce n'est pas l'enfer si redouté qui me pousse à ne te point faire offense.C'est toi qui m'y pousses, Seigneur, c'est de te voir cloué sur la croix et insulté; c'est de voir ton corps blessé, ce sont tes affronts et ta mort. C'est ton amour enfin, en sorte que je t'aimerais n'y eût-il pas de cielet que, n'y eût-il pas d'enfer, je te craindrais. Tu n'as rien à me donner pour que je t'aime, car même Si je n'espérais ce que j'espère, comme je t'aime je t'aimerais.

 

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