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L'événement pascal et l'Esprit. (Métropolite Ignace HAZIM) (suite)

L'Événement pascal, advenu une fois pour toutes, comment devient-il nôtre aujourd'hui? Par celui-là même qui en est l'artisan dés l'origine et dans la plénitude du temps : l'Esprit Saint. Il est personnellement la Nouveauté à l'oeuvre dans le monde. Il est la présence de Dieu-avec-nous, joint à notre esprit; sans lui, Dieu est loin, le Christ est dans le passé, l'Evangile est une lettre morte, l'Église une simple organisation, l'autorité une domination, la mission de la propagande, le culte une évocation et l'agir chrétien une morale d'esclaves.

Mais, en Lui et dans une synergie indissociable, le cosmos est soulevé et gémit dans l'enfantement du Royaume, l'homme est en lutte contre la chair, le Christ ressuscité est là, l'Evangile est puissance de vie, l'Église signifie la Communion trinitaire, l'autorité un service libérateur, la mission une Pentecôte, la liturgie mémorial et anticipation, l'agir humain est déifié.

L'Esprit Saint fait advenir la Parousie dans une épiclése sacramentelle et mystiquement réaliste, il fait naître, il parle par les prophètes, il remet toutes choses dans le Dialogue, il met en communion en étant répandu lui-même, il attire vers le second avènement. Il est Seigneur et il donne la Vie. C'est par lui que l'Église et le monde clament par tout leur être : Viens, Seigneur Jésus!

C'est cette énergie de l'Esprit Saint qui introduit dans notre monde horizontal un dynamisme nouveau, à la fois tout autre et tout intérieur. Ceci est extrêmement important, non seulement pour bien comprendre l'événement dont nous parle l'Apocalypse, mais surtout pour en vivre lucidement les prodromes dans ce temps-ci. L'Apocalypse en effet, et le drame humain qu'elle dévoile, se déroule sur deux plans celui des phénomènes et celui du Mystère. Il y a le plan du monde causal, déterminé, structuraliste même, où l'alchimie de la culture et de l'économie ne pourra jamais que transformer de la mort en une autre mort. Il y a aussi le plan du Mystère où depuis Daniel, les voyants du Fils de l'homme discernent l'action créatrice qui vient et qui arrache à la mort. Ces deux plans ne sont pas superposés, ils sont interpénétrés. C'est le principe de la lecture prophétique de l'histoire, hier et aujourd'hui.

Autrefois, on croyait sauvegarder la transcendence de Dieu en l'identifiant avec l'extériorité; aujourd'hui, en réaction, on voudrait sauver la divinité en l'identifiant avec l'immanence. Nous devons refuser cette ruineuse alternative qui n'est pas chrétienne. L'événement de la Nouvauté est intérieur à l'histoire justement parce qu'il lui est transcendant. C'est parce que Dieu est Dieu qu'il est devenu homme dans le Christ et c'est parce que Dieu vient dans l'homme que l'homme ne peut être homme qu'en étant déifié. L'Incarnation de Dieu et la déification de l'homme sont un seul et même événement, celui de la Nouveauté.

Il dépend de nous que l'événement de la Nouvauté soit enfoui et reste insignifiant ou bien qu'il déifie l'homme et transfigure le monde. C'est tout le sens de notre responsabilité dans le renouveau actuel. "Voici que je fais toutes choses nouvelles" -n'est pas « deus ex machina » où tomberait le décor du cosmos, mais la percée de la Liturgie sacramentelle en Liturgie éternelle. Ce qui disparaîtra, ce n'est pas ce monde, cette merveille de la Parole créatrice, mais la mort. Ce ne sera pas l'anéantissement du labeur des générations humaines, mais sa Transfiguration définitive. C'est en vue de cette ultime Épiclèse que l'Esprit Saint nous rassemble.

Dieu de puissance et de miséricorde, fais que le Saint-Esprit venant en nous et demeurant en nos coeurs, nons devenions le temple de sa gloire.

« Reconnais, chrétien, ta dignité. »

 

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