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LE SALUT AVANT LE CHRIST. (Saint AUGUSTIN)

Un païen avait proposé au prêtre Deogratias une série d'objections contre le christianisme, courantes dans son milieu. Celui-ci consulte saint Augustin, qui répond dans une lettre en date de 408 (?)

« En lui seront bénies toutes les races de la terre. » 

On propose l'objection suivante, empruntée à Porphyre et qui paraît compter parmi les plus fortes que l'on puisse faire au christianisme « Si, dit-on, le Christ s'affirme lui-même voie du salut, grâce et vérité, et s'il se donne lui-même comme seul chemin du retour vers le Père pour ceux qui croient en lui, qu'advient-il des hommes qui ont vécu durant les siècles Si nombreux antérieurs au Christ ? »

Peu importe la diversité des rites qui s'harmonise à celle des temps et des lieux, pourvu que l'objet du culte soit saint; de même que la diversité des sons caractéristiques de chaque langue est sans importance, pourvu que la parole exprime la vérité. A cette différence près que la création des mots relève du pouvoir des hommes qui en définissent le sens d'un commun accord; mais, quant aux rites propres au culte de la divinité, les justes s'en sont tenus à obéir à la volonté divine.

Celle-ci n'a jamais manqué d'offrir le salut à la justice et à la piété des mortels, et Si des peuples unis par une seule et même religion se distinguent les uns des autres par une certaine variété des cérémonies religieuses, c'est que Dieu supporte ou fortifie la faiblesse humaine, sans pour autant souffrir d'empiétement sur son autorité.

Telle est donc notre doctrine le Christ est la Parole de Dieu par laquelle tout a été fait, et Fils parce que Parole, non une parole évanouie aussi-tôt que prononcée, mais la Parole immuable et éternelle qui demeure auprès du Père immuable, régit l'univers des créatures spirituelles et corporelles, l'administre selon la convenance des temps et des lieux, prescrit ce qui doit être accompli en tel temps et tel lieu, et s'identifie personnellement à la sagesse et à la science...

C'est pourquoi, dès l'origine du genre humain, tous ceux qui ont cru en lui, l'ont connu de manière que ce soit, et ont vécu dans la piété et la justice selon ses préceptes, ont sans nul doute été sauvés par lui, quels que soient le temps le lieu de leur existence. De même que nous, croyons en lui, qui demeure auprès du Père qui est déjà venu dans la chair; de même les ancêtres croyaient en lui qui demeure auprès du Père et devait venir dans la chair. La diversité des temps entraîne maintenant la proclamation fait, jadis prophétisé par des cérémonies et des rites divers; ce serait interpréter leur diversité à tort, que d'y voir le signe d'événements divers, de saluts différents...

Les livres saints d'Israël mentionnent, dès l'époque d'Abraham, des hommes qui ont reçu part au mystère de l'incarnation, sans pourtant être de la race d'Abraham ni du peuple d'Israël, ni agrégés en aucune manière à ce peuple. Rien ne nous interdit de croire que, dans les autres peuples, dispersés sur la surface de la terre, se sont trouvés également de véritables adorateurs de Dieu, bien que les Ecritures restent muettes à leur sujet.

La chronologie des événements de notre histoire a rendu des milliards d'hommes incapables d'entendre le message du salut. Privés de la foi en Jésus Christ, ils ont été sauvés par une certaine foi en un salut ignoré. Il y a des foisonnements psychologiques plus étanches que les barrières du temps et beaucoup sont sauvés qui vivent tout près de nous et n'ont pas été atteints par l'évangile.

 

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