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LE  SEMEUR. (Xavier LÉON-DUFOUR)

« Celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende. »  

Lorsque Jésus raconte l'histoire du semeur, il paraît se référer simplement au monde rural de ses auditeurs. En fait, dans la manière dont il organise sa description, dans le choix de ses images, il est tributaire d'une mentalité qui le fait participer, comme ses contemporains juifs, à l'héritage biblique. S'il a tout recréé par son regard intérieur, c'est à partir d'une culture et d'un terroir déterminés : paysages palestiniens, moeurs rurales et villageoises de ce temps, mais aussi thèmes et symboles de la Bible ont modelé son sensibilité, nourri son imagination, pétri son langage, préformé son message. Cette histoire n'est pas uniquement celle de la Parole-semence et de sa fructification dans les coeurs, comme l'explique Luc. C'est l'histoire vécue de la rencontre eschatologique entre le Germe divin et le peuple de Dieu. Jésus vient d'annoncer l'avènement du Royaume. A cette proclamation, les uns se sont fermés les sages et les puissants, les pharisiens qui attribuent à Béelzéboul les exorcismes par lesquels Jésus expulse les démons. D'autres ont écouté, mais sans produire le fruit de la conversion, comme les habitants de Capharnaüm et de Chorozain, comme ceux qui ont chanté ou pleuré à contretemps. D'autres enfin, une poignée, ont écouté à plein coeur et ont suivi Jésus. A travers ces réactions diverses, il est aisé de reconnaître les différents sols du champ ensemencé par le semeur. A ce moment névralgique, la parabole retentit. Jésus répond d'abord à la déception des meilleurs, telle qu'elle s'exprime dans l'interrogation des disciples et dans la sommation du Précurseur. Les paraboles suivantes apporteront de nouveaux éclaircissements. Dès ce jour, le Baptiste peut comprendre puisque Jésus parle, non de moisson immédiate, mais de fructification après les semailles que le règne de Dieu, s'il est arrivé, ne fait que commencer entre ce début et la consommation des siècles, il est un temps intermédiaire, qui admet des échecs apparents. Certain du succès des semailles qu'il vient d'inaugurer, quand la semence tombe en des coeurs bien disposés, Jésus montre que les pertes sont inévitables et prévues dans l'économie du dessein de Dieu.

A un public qui liait traditionnellement semailles divines et moisson eschatologique, l'annonce de Jésus commence à éclairer le sens de son action, en la récapitulant les temps eschatologiques sont là. Dieu a donné sa semence; la rencontre a eu lieu; au peuple d'être une bonne terre et de s'ouvrir à la semence pour qu'elle y porte du fruit. La parabole devient ainsi une exhortation, comme l'a bien compris la tradition qui ajoute à la fin du récit une invitation à l'écouter.

PRIÈRE

Béni sois-tu, Seigneur. Tu sèmes et tu récoltes.

La moisson de la vie fais-la mûrir au soleil de ton amour, l'amour de chaque jour...

 

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