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SAINTETE POUR TOUS. (Louis BEIRNAERT) « Le Royaume des cieux est semblable à un filet, qui a ramené toutes sortes de choses. » La sainteté saisit l'homme au centre même de sa personne, en cette fine pointe de l'âme dont parlent les mystiques. Avènement mystérieux, au-delà d'un psychisme qui n'est pas immédiatement changé pour autant, mais qui fait qu'un homme est passé de la mort à la vie, qu'il converse avec les anges et respire déjà dans l'éternité. Or, par rapport à cet événement proprement spirituel, les dispositions psychiques ne servent de rien. Il n'est pas plus facile de mourir à soimême et de consentir à Dieu, pour un homme doué d'un naturel favorable à l'acquisition de la vertu, que pour ce pauvre pervers caractériel ou cet obsédé. Devant l'exigence d'une mort au péché, qui s'adresse au coeur même du coeur, la condition de tout homme est rigoureusement la même. S'il y avait un privilège, on serait tenté de l'attribuer au pauvre psychique, car lui, du moins, ne peut pas être tenté de se glorifier de sa perfection ou de son équilibre. Mais il faut se garder de privilégier même le pauvre dans sa pauvreté naturelle, car, aussi dénué qu'il soit de biens psychiques, aussi disgracié qu'il apparaisse à lui-même et aux autres, un homme tentera tout, plutôt que de reconnaître sa misère essentielle, de cette espèce de reconnaissance où il n'entre aucune complaisance, ni aucun orgueil secret. Ne nous y trompons pas, il est aussi dur à un miséreux de consentir à être sauvé par l'Autre qu'au plus brillant des vertueux de reconnaître humblement que Dieu a tout fait en lui. Et si le riche psychique sera tenté jusqu'à la fin de se complaire en ses richesses, le pauvre psychique à son tour sera tenté jusqu'à la fin de se révolter ou de faire parade de sa misère même. L'un comme l'autre ont à passer par la même mort, aussi onéreuse, aussi douloureuse, car elle implique pour l'un comme pour l'autre le même renoncement ultime à l'orgueil et à la suffisance. |
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