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CHRIST, salut du monde. (Pierre TEILHARD DE CHARDIN) Maintenant le problème de Dieu se pose à l'action humaine totale, et il ne peut être abordé que par l'effort total de la recherche et de l'expérience humaine. Non seulement Dieu donne une valeur pour toujours à l'effort humain mais sa révélation est une réponse à la totalité de l'effort humain. Par l'explication des splendeurs du Christ universel, le christianisme, sans cesser d'être pour la terre l'eau qui purifie et l'huile qui adoucit, acquiert une vertu nouvelle. Par le fait même qu'il présente un but à la fois immense, concret et sûr aux aspirations de la terre, il sauve celui-ci du désordre, des incertitudes, du dégoût qui sont les plus terrifiants dangers de demain. Il devient la flamme de l'effort humain. Autrement dit, il se découvre comme la force de foi la plus appropriée aux besoins modernes : une religion pour le progrès, la religion même du progrès la terre. Le Christ, s'offrant, non seulement comme le but de l'âme « surnaturelle », mais de toute la construction physique qui conditionne les âmes; le Christ se présentant, non perdu dans les nuées, mais ruisselant des énergies du monde où il est immergé; le Christ non plus condamnateur mais Sauveur du monde moderne et de ses espérances en l'avenir : un tel Christ attirerait immédiatement à soi toute la partie vive de l'humanité. Son amour se propagerait de la seule façon qui convienne à la vraie religion : comme du feu. Pour convertir le monde, il nous faut, chrétiens, multiplier nos missionnaires. Mais nous devons avant tout repenser, de toute notre humanité, notre religion. On ne convertit que ce qu'on aime. Si le chrétien n'est pas en pleine sympathie avec le monde naissant, s'il n'éprouve pas en lui-même les aspirations et les anxiétés du monde moderne, s'il ne laisse pas grandir en son être le sens humain, jamais il ne réalisera la synthèse libératrice entre le ciel et la terre d'où peut sortir la parousie du Christ universel. Mais il continuera à s'effrayer et à condamner presque indistinctement toute nouveauté, sans discerner, parmi les souillures et les maux, les efforts sacrés d'une naissance. S'immerger pour émerger et soulever. Participer pour sublimer. C'est la loi même de l'incarnation. Un jour, il y a deux mille ans déjà, les papes, disant adieu au monde romain se décidèrent à « passer aux barbares ». Un geste semblable et plus profond, n'est-il pas attendu aujourd'hui? Le monde ne se convertira aux espérances célestes du christianisme que si, préalablement, le christianisme se convertit, pour les purifier et les diviniser, aux espérances de la terre. Sans dévier vers aucun «naturalisme », le fidèle découvre qu'il peut et doit, autant et plus que l'incroyant, se passionner pour un progrès de la terre requis pour la consommation du Règne de Dieu. Et cependant la force ascensionnelle du détachement humain demeure intacte. La croix domine toujours la terre de son symbole d'annihilation, mais en consacrant et intégrant toutes les peines de l'effort humain. PRIÈRE Jésus, Sauveur de l'activité humaine, à laquelle vous apportez une raison d'agir, Sauveur de la peine humaine à laquelle vous apportez une valeur de vie, soyez le salut de l'unité humaine, en nous forçant à abandonner nos petitesses, et à nous aventurer, appuyés contre vous, sur l'océan inconnu de la charité. |
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