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Une image qui s'applique à DIEU. (Karl RAHNER)

Le mot « poussière » possède incontestablement, dans le langage de l'Ancien et du Nouveau Testament, une parenté intime, sinon une équivalence réelle, avec celui de « chair ». Celui-ci désigne en effet dans la Bible la totalité de l'homme en tant qu'il s'oppose radicalement à Dieu par sa fragilité, par sa faiblesse intellectuelle et morale, et par cette coupure avec Dieu qui s'exprime dans le péché et la mort. C'est dire que les deux affirmations : l'homme est poussière et l'homme est chair sont pratiquement synonymes.

Mais le message du salut proclame que le Verbe s'est fait chair, que Dieu a envoyé son propre Fils avec une chair semblable à celle du péché.

Cette démarche divine a tout changé. La chair n'est plus simplement le pivot et le pôle du mouvement qui entraîne l'homme vers la dissolution et vers la mort; elle est aussi le pivot et le pôle d'un mouvement qui, à travers le passage mortel où la poussière se dissipe et disparaît, débouche sur la vie, sur l'éternité, sur Dieu.

C'est dire que la parole :tu es poussière -n'est pas déplacée, même quand elle s'adresse à l'homme racheté. Bien plus, comprise comme il faut, elle le définit entièrement. Oui, du fait que nous sommes les frères du Verbe fait chair, la formule: Souviens-toi que tu es poussière- résume toute l'économie divine du salut et tout ce que nous sommes : le «rien » envahi par la plénitude de Dieu, la mort qui porte en son sein la vie, l'échec qui devient rédemption, la poussière humaine qui devient le corps même de Dieu dans les siècles et les siècles. Le baptême est une mort qui nous plonge dans la mort du Christ. Mais c'est pour toute la durée de notre vie - le rite baptismal n'en est que l'inauguration, le sacrement n'est que l'image et la figure de l'humble réalité qui nous attend au fil des jours - au sein de laquelle germe la gloire à venir.

De la même manière, le signe de la croix de cendres tracée sur notre front est une sorte de nouveau départ annuel sur le chemin qui nous ramène vers notre poussière originelle. Mais il est aussi l'image et la figure de la réalité banale de notre vie quotidienne, et de la gloire qu'elle porte en elle. 

 

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